Vous êtes ici :

Accueil>Reherrey : à la découverte de la merranderie

Imprimer cette page en utilisant la fonction Imprimer de votre navigateur

Fin décembre 1999, une très violente tempête traverse la France d’Ouest en Est. La filière bois, impuissante, vit comme un véritable traumatisme ces centaines de millions de mètres cubes de bois couchés en une nuit. Dans la famille Kryzs, exploitants forestiers depuis 3 générations, René et Nicole décident de se spécialiser dans la fabrication de merrains, ces épaisses lattes de bois en chêne qu’on assemble pour former des tonneaux. Aujourd’hui, la 4ème génération de Kryzs poursuit cette aventure débutée en 1922. Découverte…

Une tradition française

L’origine de la fabrication de tonneaux est quasi impossible à situer dans le temps et moins encore dans l’espace. Les spécialistes s’accordent cependant à dire que ce sont les gaulois qui en ont popularisé l’usage et élevé la fabrication au rang de véritable savoir-faire. L’usage s’est transmis à travers les siècles jusqu’à nos jours, où les tonneaux de bois français restent une référence dans l’élevage et la maturation des vins et alcools. A tel point que seuls 20% de la production est destinée au pays : sur les 600 000 tonneaux produits chaque année en France, 80% partent à l’export.

Une fierté pour la famille Kryzs dont les merrains veillent aujourd’hui sur quelques-uns des plus grands vins du monde, en France évidemment mais également aux Etats-Unis, en Australie, en Afrique du Sud ou en Argentine.

Mais pour en arriver à ce niveau de production, la fabrication de merrains répond à une exigence stricte résumée par René Kryzs : « strictement les meilleurs chênes associés à la main experte et à l’œil aguerrit ».

Des chênes centenaires

Pour se procurer cette noble matière première, les Kryzs parcourent chaque week-end les routes du Grand Est. Déposées sur le bord des chemins, les grumes sont principalement achetées auprès de l’ONF. A près de 500€ le m3, seul l’œil aguerrit permet de choisir la première qualité : « j’ai tellement parcouru ces forêts que je sais pratiquement quel type de chêne je vais retrouver dans chaque bois et surtout comment éviter les grumes mitraillées » prévient René Kryzs. Centenaires, certains arbres portent encore en eux les stigmates des deux conflits mondiaux qui ravagèrent les forêts de l’Est de la France. Le fer des munitions rendant alors impropre le bois du tonneau à contenir du vin.

Mais la sélection des chênes s’opèrent également en fonction de leur vitesse de croissance : moins vite pousse l’arbre et plus concentrées sont ces cernes, libérant au vin des tanins aussi particuliers que recherchés par les vignerons. Nicole Kryzs précise « en croissance lente, la largeur d’un chêne pousse en moyenne entre 1 et 3 mm chaque année, parfois moins. Nous achetons des pieds de grumes au diamètre compris entre 45 et 100 cm. Imaginez leur âge ! »

Main experte, œil aguerrit

« Il faut plus de deux ans pour former un bon ouvrier » précise René Kryzs. « Comme il n’existe pas de formation autour de nos métiers, nous formons nous-même nos employés dans l’entreprise. Chaque geste compte lorsqu’on manipule le bois, il n’y a pas le droit à l’erreur. Surtout quand on sait que seulement 25% de la bille brute va donner des merrains. C’est ça notre démarche d’excellence. »

Une excellence qui s’observe dans le bal rodé des ouvriers qui manipulent chaque année 2500m3 de bois. Au rythme des machines, les deux équipes de l’entreprises se relayent : une le matin et l’autre l’après-midi. Il faut fendre le bois et affiner les coupes successives jusqu’à sortir du cœur du chêne de parfaits merrains. Guidage laser et lame parfaitement aiguisées accompagnent les mains robustes. Les merrains seront ensuite expédiés jusqu’à Cognac ou en Bourgogne où sont implantées des entreprises réputées de tonnellerie qui expédieront la production dans le monde entier. Les rebus sont vendus à une entreprise de panneaux compressés.

La merranderie de Reherrey maintient vivante un savoir-faire millénaire. Elle prouve qu’en milieu rural l’activité peut se maintenir et s’y développer. En exportant sa production dans le monde entier, la merranderie fait de chacun de ses morceaux de chêne patiemment travaillés un ambassadeur de notre territoire. Et de cette belle entreprise un morceau de notre patrimoine.